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Relachement

LE RELÂCHEMENT

Un des aspects les plus surprenants de l’entrainement à l’art martial du TCC est l’injonction constante qu’il est fait, aussi bien dans les livres que dans les cours que l’on peut suivre, de rester détendu, de ne pas laisser de tensions, de crispations se former. Dans presque tous les systèmes de combat connus, de la boxe anglaise au karaté japonais, on promeut la force et la vitesse. Ses disciplines comprennent de nombreux exercices pour accroitre la puissance musculaire et la promptitude d’action. En TCC, c’est l’inverse, l’apprentissage comprend un important travail pour atteindre l’état de détente correct. Et cette détente est développée à tous les niveaux : physique, émotionnel, mental et même psychique.

Le TCC étant à l’origine un véritable art martial il est évident que le travail sur le relâchement n’avait pas pour objectif de transformer le pratiquant en un sac de frappe mou et sans réaction, incapable même de se défendre contre le plus faible des agresseurs. Non, ce qui était, et l’est toujours, en jeu dans le travail sur le relâchement, c’est la capacité à développer une force et une réactivité supérieures sans pour cela épuiser l’organisme par de pénibles et éprouvants exercices visant à en accroitre la seule puissance musculaire. Cette capacité est générée par le développement, la mobilisation, et l’application dans les diverses techniques de l’art martial du TCC, de l’énergie vitale fondamentale. La nature et les propriétés de cette énergie sont un des concepts de la théorie taoïste de la création générale. Composante essentielle de l’organisme cette énergie a différentes sources et propriétés. Elle est héréditaire par la parenté et dirige le métabolisme, acquise par la nourriture et la respiration et engendre matière, énergie motrice et défensive. Elle a des lieux d’intégration, de production, de transformation, et d’action. Elle a aussi des lieux d’emmagasinement et des voies de circulation. Une part de cette énergie est mobilisable et on peut lui appliquer différentes opérations afin de développer et d’utiliser son potentiel de force opérante. Sa mobilisation et sa circulation/transmission aisée dans l’organisme étant des conditions essentielles de son utilisation, la détente générale, le relâchement de toute tension superflue, sont nécessaires pour lui donner toute son efficacité dans ses différentes applications. Ces applications vont de la tonification générale du corps, du renforcement de la santé, à la capacité d’atteindre à un haut niveau de maîtrise martiale.

La pratique dîtes civile (pour la santé), et tout autant la pratique martiale du TCC, exigent donc de mettre l’attention sur la détente. Cela demande une longue et scrupuleuse attention pour atteindre à l’état correct de relâchement, celui qui permettra au travail sur l’énergie vitale de fonctionner véritablement. Les pratiquants qui vont au bout de cette logique commencent souvent leur entrainement par la pratique de certaines formes de méditation, parfois après des années de seules pratiques gymniques. Après la méditation assise vient la pratique debout, et d’abord dans une posture immobile où l’on peut, par l’attention et l’écoute interne, percevoir et prendre conscience des tensions superflues et ainsi travailler à les éliminer.

Les sept couches du relâchement.
En posture du cavalier dans la forme zhan zhuang commencer avec les bras détendus, relâchés de chaque côté du corps. Puis avancer les mains au-devant du corps en redressant les doigts jusqu’à ce qu’elles soient horizontales, paumes face au sol. Aligner correctement tête, tronc et appui au sol. Respirer naturellement, paisiblement et régulièrement. Se concentrer sur l'intention, la représentation mentale et les perceptions.


Se tenir comme un pilier - Forme de base.

1 – La chair.
Depuis le haut du corps jusqu’aux pieds relâcher les chairs, les muscles et les tendons. On place son attention sur la couche la plus externe du corps, la peau et la chair. Depuis le sommet du crâne on descend au visage en s’appliquant à laisser se détendre les tissus de surface. Puis on parcourt mentalement le cou, les épaules et les bras jusqu’aux doigts en laissant aller, en imaginant au passage les chairs se détendre, couler le long des os. Des bras on passe au tronc, relâchant la poitrine, le dos, les reins, la taille, ventre et bas-ventre. Une attention particulière est mise à détendre la taille, le ventre, à poser le tronc sur l’arche des jambes. Du fait de la forme de la posture, en pas du cavalier plus ou moins bas, les muscles des jambes sont assez sollicités et l’on y sent de fortes contractions. Mais on se concentre de même, détendant depuis les hanches jusqu’aux orteils, imaginant peau et chair couler le long des os.
Dans ce relâchement de premier niveau on peut atteindre l’état où un maintien correct de la posture est assuré par un minimum de mobilisation musculaire. Un peu moins et le corps chuterait au sol.

2 – Les articulations.
Pour la deuxième couche il s’agit de se concentrer sur les articulations pour en détendre les ligaments de liaison et en ouvrir les espaces articulaires. Comme pour la première couche on commence à porter l’attention sur le haut du corps et descend progressivement jusqu’aux pieds. On se représente mentalement, à chaque articulation, les ligaments comme des lanières qui se détendent, s’allongent, élastiques, laissent l’espace interne à l’articulation se desserrer, s’agrandir. Par la pratique des six liaisons et des trois coordinations on connait bien les douze articulations principales mais ici il s’agit de passer en revue et de travailler au relâchement de toutes les articulations du corps. Comme pour la couche précédente il semble difficile d’agir sur les membres inférieurs alors que le port du corps crée de fortes pressions sur les articulations. On se concentre quand même sur la même intention de détendre et d’ouvrir, dans les bras, la colonne vertébrale, puis les jambes en passant des aines aux genoux, aux chevilles, et jusqu’aux phalanges des orteils.

3 – Les os.
Une fois chair et articulations détendus on peut supposer que les tensions superflues exercées par les tendons et les ligaments sur l’ossature sont amoindries, certaines mêmes complètement dissipées. Dans un nouveau balayage mental du corps, toujours en partant du sommet du crâne, on parcourt son ossature en imaginant que les os, ne subissant plus ni tractions, ni compressions, se détendent et prennent leur forme innée. Dans les os creux on se représente même que la moelle noire se détend et s’écoule au fond des os.

4 – Les organes.
Le relâchement de la quatrième et dernière couche physique, celle des organes, demande un effort de représentation mentale un peu plus poussé. Il est difficile de modifier, par un seul effort de volonté, le fonctionnement ou l’état d’un organe. La tradition rapporte que la représentation mentale d’un organe, couplée à l’intention, aide à modifier son état. Se concentrant d’abord sur les bronches et les poumons, on se les représente comme des voiles suspendues, légères, parcourues d’un souffle d’air sec et frais. Les poumons ont le blanc de l’os de seiche. On place ensuite son attention sur le cœur et son environnement, le péricarde. On se représente le cœur battant calmement, détendu, le flot artériel entrant et sortant régulièrement. On visualise mentalement l’organe ayant le rouge de la crête de coq. Puis on place son attention sur le centre, sous le plexus, et le flanc gauche. On se représente alors rate et estomac comme des sacs de céréales déposés dans un cellier, ils sont jaune comme le limon des fleuves. A droite on visualise ensuite le foie, qui se détend, tiédit légèrement et a le vert de la plume du martin pêcheur. Vient ensuite les deux reins, que l’on se représente mentalement comme deux pierres coulées au fond d’une rivière, froides et d’un noir tel la pupille de l’œil du corbeau. Puis on met son attention sur le ventre et les organes du bassin, se concentrant sur l’idée de relâchement interne.

5 - Les émotions. Les sentiments.
Après l’attention à détendre le physique, vient le travail sur l’émotionnel et le sentimental. La tradition dit qu’avec la détente des poumons, les regrets, la tristesse, la mélancolie, s’évanouissent. Le cœur à l’aise, au battement ample et régulier, n’engendre ni joie excessive ni impatience, ni haine ni indifférence. Avec la détente de l’estomac se conjugue la dissipation de la possession, de la peur de perdre, de manquer. Le foie est lié à l’excitation, à la colère et à l’apathie. Les reins le sont à la crainte, à la peur, mais aussi à l’imprudence.
Tranquillement concentré sur le maintien et le relâchement, on n’éprouve pas d’émotion particulière, le cœur comme vide de toute affectation.

6 – Le mental.
Détendre le mental cela demande d’agir sur certaines de ses fonctions. On s’applique à contrôler la cogitation, la production de pensées en tout genre, à orienter l’attention sur les perceptions et à établir la conscience en état d’attention et d’observation paisible.

7 – L’Esprit.
S’appliquer à détendre le mental peut déjà sembler une proposition surprenante, mais bien que le mental ne soit pas un objet physique, on en perçoit assez bien l’activité et plusieurs de ses fonctions. Chacun se sent plus ou moins capable d’en modifier l’activité. Utiliser efficacement cette capacité n’est pas une propriété du mental mais dépend de l’Esprit Individuel, le Chen. C’est lui qui contient ce qu’on appelle « la force d’âme », le caractère, et est à la base de la volonté agissante. Dans le cadre du relâchement, détendre l’esprit c’est ne pas l’impliquer dans les sentiments de réussite ou d’échec. On n’implique pas son sens de la destinée dans la pratique, il n’y a pas d’attentes spécifiques d’accomplissements quelconques, de réalisations, d’obtentions. Il ne convient pas de vouloir, ou d’attendre, qu’il se passe quelque chose de spécial, d’extraordinaire. La force de la motivation vient du Chen mais les efforts de progression doivent s’accompagner d’un certain détachement.

La posture doit être tenue jusqu’à ce que l’on ne perçoive plus la moindre contracture, douleur ou gêne quelconque. Si on peut tenir une heure la posture sans aucune gêne nulle part, c’est qu’un bon niveau de détente est atteint. Il est alors normalement possible de tenir la posture avec aisance très longtemps, plusieurs heures si l’on veut. Pour ceux qui éprouvent rapidement des crampes et contractures douloureuses, se concentrer d’abord quelques minutes sur la zone en ordonnant mentalement aux tissus de se relâcher, aux articulations de se desserrer. Mais si cela devient assez gênant ou douloureux, quitter la posture et faire quelques mouvements de mobilisation ou d’étirement, puis reprendre l’exercice.

Séparer les énergies.
Quand le maintien de la posture devient aisé, après s’être appliqué au relâchement selon les sept couches pendant un instant plus ou moins long, on dirige ensuite son attention sur deux perceptions distinctes. D’abord on se concentre sur la perception de la pression du corps sur le sol. On se représente cela comme une force qui descend depuis le sommet du crâne jusqu’aux pieds dont on ressent la pression sur le sol. On imagine cette pression s’enfoncer dans les profondeurs, se connecter à la force yin de la Terre. La sensation de peser vient de la matière du corps, de son yin. On se représente cela comme une force descendante, liée à l’immobilisation, à l’inertie, à l’enracinement.
Une fois bien établie la force yin dans la perception, on dirige son attention sur l’énergie de maintien. Bien que posé dans la posture du pieu, dans un état de grande détente, le corps ne tombe pas au sol. L’énergie qui maintient correctement la structure corporelle empêche l’écroulement. On se concentre sur l’idée que cette énergie monte comme un flux du sol à travers le corps jusqu’au haut du crâne, au point Bai Hui. On se représente cela comme une force ascendante, immatérielle, dynamique, vitalisante. La sensation de portance, de maintien élancé, vient de l’énergie du corps, de son yang.
Pendant un moment on se concentre sur la représentation et la perception des deux flux, le yin et le yang, présents dans la posture.

A partir de ce niveau il est possible de continuer la pratique du pieu par la tenue de la posture suivante et de se concentrer sur la mobilisation et la circulation de l’énergie vitale.